Homicide involontaire en mer. Annulation des opérations de vérification de l’état alcoolique (discontinuité de la flagrance, article 53 du CPP) et relaxe - Thomas JOURDAIN-DEMARS
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Homicide involontaire en mer. Annulation des opérations de vérification de l’état alcoolique (discontinuité de la flagrance, article 53 du CPP) et relaxe

Homicide involontaire en mer. Annulation des opérations de vérification de l’état alcoolique (discontinuité de la flagrance, article 53 du CPP) et relaxe

Le 12 juin 2024, comparaissait devant le Tribunal Maritime de BREST un client, prévenu d’homicide involontaire en mer.

Il lui était reproché, étant capital d’un navire, par le violation des règles de la convention COLREG ou par négligence, en l’espèce en violant l’article 6 relative à la vitesse de sécurité, en confiant son embarcation à une personne non titulaire du permis mer et alcoolisé et en la laissant piloter à une vitesse élevée inadaptée aux circonstances.

Le cabinet obtenait nullité des opérations de verifications de l’état alcoolique (discontinuité de la france, article 53 du Code de procédure pénale).

Les arguments soulevés étaient les suivants.

L’article 53 du Code de procédure pénale dispose, en son second alinéa :

« A la suite de la constatation d’un crime ou d’un délit flagrant, l’enquête menée sous le contrôle du procureur de la République dans les conditions prévues par le présent chapitre peut se poursuivre sans discontinuer pendant une durée de huit jours ».

L’absence de continuité dans l’enquête de flagrance fait obstacle à l’accomplissement postérieur d’actes coercitifs en flagrance relativement aux mêmes faits (Crim. 5 octobre 2016, n° 16-81.521).

Les actes d’enquête ne peuvent alors être accomplis que selon les règles de l’enquête préliminaire (Crim. 18 décembre 2013, n° 13-85.375).

Par ailleurs, l’article 77-1 du Code de procédure pénale dispose quant à lui :

« S’il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l’officier ou l’agent de police judiciaire ou, sous le contrôle de ces derniers, l’assistant d’enquête, a recours à toutes personnes qualifiées. »

En l’espèce, on ne dénombrait ainsi pas moins de six changements de régime, de l’enquête de flagrance à l’enquête préliminaire et inversement, en violation des dispositions de l’article 53 du Code de procédure pénale.

Il ne saurait être prétendu qu’il ne n’agissait que d’une erreur matérielle consistant en l’apposition erronée de la mention « enquête préliminaire » ou « enquête de flagrance » en en-tête des différents procès-verbaux et réquisitions énumérés, dès lors que les actes d’enquête ont effectivement suivi le régime de l’enquête préliminaire à compter du 25 juillet 2022.

En effet, il résultait d’un procès-verbal de réquisition du 25 juillet 2022 que les enquêteurs ont sollicité l’autorisation du Procureur de la République pour accomplir un acte.

Or, cette autorisation n’était pas nécessaire en enquête de flagrance (article 60 du Code de procédure pénale) et est propre à l’enquête préliminaire.

L’enquête de flagrance a donc basculé en enquête préliminaire à compter du 25 juillet 2022.

Dès lors, les actes d’enquête ne pouvaient être accomplis, à compter du 25 juillet, que selon les règles de l’enquête préliminaire, ce qui n’a pas été le cas.

En effet, le 27 juillet 2022, la réquisition conditionnant les opérations de vérification de l’état alcoolique de la victime (dont l’acte mentionne à tort « enquête de flagrance ») n’a pas été autorisée par le Procureur de la République, en violation des dispositions de l’article 77-1 du Code de procédure pénale (alors même que ledit article est visé).

Or, dans le cadre de l’enquête préliminaire, le recours à une personne qualifiée ne peut être effectué que par le Procureur de la République ou, sur son autorisation préalable, par l’OPJ ou par l’APJ (Article 77-1 et suivants du Code de procédure pénale), ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Il convient de rappeler que l’autorisation donnée par le parquet résulte de « l’exigence de direction et de contrôle de l’autorité judiciaire sur la police judiciaire résultant de l’article 66 de la Constitution » et ont donc été censurées des dispositions législatives prévoyant de permettre à un OPJ ou un APJ, dans l’enquête préliminaire, de « requérir, sans autorisation du Procureur de la République, tout organisme public de lui remettre des informations intéressant l’enquête » (Cons. Const., 21 mars 2019, n° 2019-778, DC, § 174 et 175).

Ainsi, les actes d’enquête qui n’ont pas été accomplis selon les règles de l’enquête préliminaire et qui ont été réalisés postérieurement au 25 juillets 2022, date de basculement de l’enquête de flagrance en enquête préliminaire, étaient déclarés nuls, ce qui emportait notamment la nullité du rapport d’analyse « recherche et dosage de l’éthanol » du 29 juillet 2022 concernant la victime, ainsi que les fiches B et C et actes subséquents, dès lors que la réquisition afférente n’a pas été autorisée par le Procureur de la République.

Le Tribunal Maritime de BREST faisait droit à cette exception de nullité et relaxait le prévenu.