Vu dans Le Télégramme : "Au tribunal de Saint-Brieuc : « On parle d’un homme gisant sur du purin séché et qui a eu les jambes coupées »" - Thomas JOURDAIN-DEMARS
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Vu dans Le Télégramme : “Au tribunal de Saint-Brieuc : « On parle d’un homme gisant sur du purin séché et qui a eu les jambes coupées »”

Vu dans Le Télégramme : “Au tribunal de Saint-Brieuc : « On parle d’un homme gisant sur du purin séché et qui a eu les jambes coupées »”

“En 2019, à Plurien, un homme de 35 ans était retrouvé par les secours, presque mourant de froid, dans une porcherie à l’abandon. Sauvé, mais amputé des deux jambes, il est désormais victime dans un dossier judiciaire, qui a conduit deux hommes devant le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc ce jeudi 30 juin.

Ce jeudi 30 juin, deux hommes s’avancent à la barre du tribunal correctionnel de Saint-Brieuc. Ils sont poursuivis pour travail dissimulé, violation de domicile, manœuvre, menace ou voie de fait pour forcer une personne à quitter son lieu d’habitation, et blessures involontaires. La liste des délits peine à dire l’histoire qui va occuper le tribunal, en cette fin d’après-midi.

Le 1er février 2019, vers 16h, les pompiers avaient été appelés dans la dépendance d’une ferme, à Plurien. C’est un ouvrier agricole qui, en entrant dans le bâtiment désaffecté, entend “des grognements”, puis trouve un homme allongé, inconscient, dans une ancienne fosse à déjection, rapporte la présidente à l’audience. L’individu semble être sans domicile. Avec lui, un document de domiciliation auprès de l’association Adaléa, des vêtements propres.

Dans le coma

Il est conduit à l’hôpital, qui ne tarde pas à émettre un diagnostic pessimiste. L’homme, âgé de 35 ans, est dans le coma, en état de choc, et en totale hypothermie. Il sera finalement sauvé, mais amputé des deux jambes.

Il n’était pas arrivé tout à fait par hasard dans cette exploitation agricole. Il vivait sur place depuis 15 mois jusqu’à ce que son propriétaire décide, une semaine auparavant, de le mettre dehors. “Parce que vous craigniez qu’il mette le feu au logement”, indique la présidente. “Vous avez conscience du problème puisque vous dites vous-même que vous auriez dû respecter la trêve…”

“Immonde”

Il chasse donc son locataire qui travaillait dans l’exploitation contre des salaires en liquide. Et vide le studio de ses affaires dès qu’il en a l’occassion, aidé d’un voisin – qui se retrouve donc également à la barre du tribunal.

“C’est un dossier immonde” a réagi l’avocate de la victime Me Guérin. “C’est quelqu’un de fragile, qui se retrouver à travailler sans contrat, et il n’ose pas demander. Et il est mis dehors. Encore aujourd’hui, il n’y a aucune empathie de la part de ces deux-là. Ils n’ont jamais pris de ses nouvelles, alors que s’il avait été découvert une heure ou deux après, il aurait été mort, complètement gelé.”

“On parle d’un homme gisant sur du purin séché”, s’étrangle également le procureur, reprochant aux prévenus leur manque d’altruisme, et requérant des peines allant jusqu’à trois ans de prison.

Moral et juridique

Du côté de la défense, ou voudrait bien que le débat moral n’entache pas la question juridique autour de ce dossier. Pour Me Jourdain-Demars, “le lien de causalité est incertain entre l’expulsion survenue six jours auparavant et l’amputation des jambes”, plaide-t-il. La victime est d’abord allée à Saint-Brieuc. Puis informée de son expulsion, “elle a décidé de revenir en cachette sur l’exploitation”. L’homme installe une tente, abritée par une grange. “Mais il est retrouvé dans une fosse, avec des blessures sur le front”. Deux jours avant qu’il ne soit découvert, il ne répond plus au téléphone. “L’endroit où il est retrouvé interroge, surtout quand on sait qu’il souffrait d’alcoolisme. Tout laisse à penser que l’alcoolisation a pu provoquer l’hypothermie, et l’amputation”, a argumenté l’avocat.

Le tribunal a néanmoins condamné son client à trois ans de prison dont deux assortis d’un sursis. Il purgera la partie ferme de sa peine sous bracelet électronique. Le voisin qui avait participé à l’expulsion a été condamné à un an avec sursis. Me Jourdain-Delmars a indiqué qu’il entendait faire appel de cette décision.”

 

@ Le Télégramme – Dimitri Rouchon-Borie

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