Violences sur mineur de 15 ans par ascendant : nullité de l'intervention de l'expert médico-légal et relaxe du prévenu en raison du doute raisonnable sur la cause des hématomes. - Thomas JOURDAIN-DEMARS
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Violences sur mineur de 15 ans par ascendant : nullité de l’intervention de l’expert médico-légal et relaxe du prévenu en raison du doute raisonnable sur la cause des hématomes.

Violences sur mineur de 15 ans par ascendant : nullité de l’intervention de l’expert médico-légal et relaxe du prévenu en raison du doute raisonnable sur la cause des hématomes.

Le 3 février 2021, un prévenu comparaissait devant le Tribunal Correctionnel de SAINT-BRIEUC pour être jugée concernant des faits de violences sur mineur de moins de 15 ans par ascendant légitime.

8 mois auparavant, le 3 juin 2020, une mère se rendait au Commissariat car elle aurait constaté, à deux reprises, des bleus sur le corps de son fils alors qu’il revenait de chez son père.

Elle indiquait que l’enfant lui aurait dit que « son père lui a mis une fessée », qu’il a aussi dit au médecin « qu’il avait été poussé par le ventre et porté par les pieds par son père ».

Le médecin remettait un certificat médical mentionnant une ITT de 3 jours.

Le père contestait avoir donné une fessée à son fils.

En préalable à l’examen de l’affaire, Maître Thomas JOURDAIN-DEMARS soulevait une exception de nullité.

Aux termes des dispositions de l’article 77-1 du Code de procédure pénale : « S’il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l’officier ou l’agent de police judiciaire, a recours à toutes personnes qualifiées.

Dans le cadre de l’enquête préliminaire, le recours à ces personnes qualifiées ne peut être effectué que par le Procureur de la République ou, sur son autorisation préalable, par l’OPJ ou par l’PAJ (Article 77-1 et suivants du Code de procédure pénale).

La Chancellerie souligne que la jurisprudence de la Chambre Criminelle relative au formalisme de l’autorisation préalable est souple et que les mentions suivantes suffisent à établir l’existence de cette autorisation : « sur autorisation du Procureur de la République » (Crim., 23 mai 2006) ; « en accord avec le Parquet » (Crim., 9 janvier 2007) ; « conformément aux instructions de Monsieur le Procureur de la République » (Crim., 8 juin 2010 – Crim., 1er février 2011, n° 10-83.523, P n°15) ; l’autorisation de procéder « à toutes réquisitions utiles » au visa « des articles 75 et suivants », peu important que cette autorisation ne soit visée par les réquisitions successives (Crim., 20 juillet 2011).

Dans un arrêt du 27 novembre 2012 (Crim., 27 novembre 2012), elle a en outre validé le raisonnement d’une Chambre de l’Instruction aux termes duquel : « l’article 77-1-1 du Code de procédure pénale ne soumet l’autorisation du Procureur de la République à aucune forme particulière et n’exige pas, notamment, que figure à la procédure la formalisation écrite et préalable d’une demande d’autorisation ou de cette autorisation elle-même ni l’indication de la forme sous laquelle cette autorisation a été donnée » (Circ. Crim. 2016/19/3, 08.09.2016, JUS D 1625322 C, n° 1.2.).

L’autorisation donnée par le parquet résulte de « l’exigence de direction et de contrôle de l’autorité judiciaire sur la police judiciaire résultant de l’article 66 de la Constitution » et ont donc été censurées des dispositions législatives prévoyant de permettre à un OPJ ou un APJ, dans l’enquête préliminaire, de « requérir, sans autorisation du Procureur de la République, tout organisme public de lui remettre des informations intéressant l’enquête » (Cons. Const., 21 mars 2019, n° 2019-778, DC, § 174 et 175).

Enfin, s’agissant des demandes d’informations probantes auprès des tiers par réquisition (articles 60-1 et 77-1-1 du CPP), l’OPJ, « ou sous le contrôle de ce dernier, l’APJ », depuis la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, sans autorisation du Procureur de la République dans l’enquête de flagrance (article 60-1 du Code de procédure pénale) ou avec son autorisation préalable dans l’enquête préliminaire (article 77-1-1 du Code de de procédure pénale), le Procureur de la République dans tous les cas, peuvent, « par tout moyen » (L. n° 2007-297, 5 mars 2007), requérir toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des « informations » (L. n° 2014-1353, 13 novembre 2014), notamment « sous forme numérique » (L. n° 2007-297, 5 mars 2007), « le cas échéant selon des normes fixées par voie réglementaire » (L n° 2019-222, 23 mars 2019), sans que puisse leur être opposé, « sans motif légitime », le secret professionnel.

En l’espèce, il s’agissait d’une enquête préliminaire.

L’Officier de Police Judiciaire en charge de l’enquête avait, de sa propre initiative, sans autorisation du Procureur de la République, demandé le 29 juin 2020 l’avis au médecin légiste sur les photographies de l’enfant “à titre indicatif“.

Aucune des mentions susvisées ne figuraient en procédure.

Le médecin légiste avait répondu par mail le jour-même : “pour moi, ce sont des traces de fessées, sur la fesse gauche on voit les doigts“.

En l’absence d’autorisation du Procureur de la République, il y avait lieu de constater la nullité de la demande de l’Officier de Police Judiciaire et de la réponse du médecin légiste, même si celle-ci était indiquée comme étant “à titre indicatif“.

Ces manquements causaient nécessairement un grief au prévenu, qui n’était pas en capacité de discuter les conclusions du médecin légiste en l’absence de rapport s’appuyant sur une réquisition valable, outre le fait que l’autorisation donnée par le parquet résulte de « l’exigence de direction et de contrôle de l’autorité judiciaire sur la police judiciaire résultant de l’article 66 de la Constitution »

Le Tribunal suivait Maître Thomas JOURDAIN-DEMARS et prononçait la nullité d’une part, du courriel de l’OPJ au médecin légiste, du 29 juin 2020 à 11h32 et, d’autre part, de la réponse du médecin légiste intervenue le même jour à 12h09.

Par voie de conséquence, le prévenu était relaxé dans la mesure où il existait un doute raisonnable sur la cause des hématomes.

L’intervention du médecin-légiste, même “à titre indicatif“, n’exonère par l’Officier de Police Judiciaire de solliciter l’autorisation du Procureur de la République dans le cadre d’une enquête préliminaire.