Annulation d'un jugement correctionnel par la Cour d'appel de RENNES et aménagement ab initio obtenu : la requalification en première instance suppose un pouvoir de représentation - Thomas JOURDAIN-DEMARS
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Annulation d’un jugement correctionnel par la Cour d’appel de RENNES et aménagement ab initio obtenu : la requalification en première instance suppose un pouvoir de représentation

Annulation d’un jugement correctionnel par la Cour d’appel de RENNES et aménagement ab initio obtenu : la requalification en première instance suppose un pouvoir de représentation

Le 6 octobre 2022, la 11ème Chambre Correctionnelle près la Cour d’appel de RENNES annulait un jugement rendu par le Tribunal Correctionnel de SAINT-BRIEUC du 3 décembre 2020 et ordonnait un placement sous DDSE pour le prévenu, assisté par le cabinet.

 

Les arguments développés par le cabinet étaient les suivants :

L’article 388 du Code de procédure pénale dispose que le tribunal correctionnel est saisi des infractions de sa compétence soit par la comparution volontaire des parties, soit par la citation, soit par la convocation par procès-verbal, soit par la comparution immédiate, soit enfin par le renvoi ordonné par la juridiction d’instruction.

Obligation de qualification. La Cour de cassation rappelle régulièrement que les juges correctionnels ont « le droit et le devoir de […] restituer [aux faits] leur véritable qualification », mais « à la condition de n’y rien ajouter » (Crim., 11 mai 2006, n° 05-85637).

Ils ne doivent « statuer que sur les faits dont ils sont légalement saisis », soit par la citation à comparaître, soit par l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction, soit enfin par la comparution volontaire du prévenu (Crim., 20 septembre 2000, n° 99-82846).

Conditions de requalification. Si le Tribunal estime devoir requalifier les faits dont il est saisi, c’est à la double condition que les différentes parties au procès puissent en débattre contradictoirement et que les éléments constitutifs de la nouvelle qualification envisagée ne soient pas matériellement différents de ceux de la précédente qualification.

Dans ce dernier cas, le Tribunal devrait recueillir l’accord exprès du prévenu pour être jugé sur ces faits nouveaux (Crim., 15 mai 2019, n° 18-80222 ; Crim., 16 janvier 2019, n° 17-85230).

Le Tribunal ne saurait alors requalifier les faits en l’absence du prévenu, notamment lorsqu’il statue par défaut (Crim., 5 janvier 2005, n° 04-82524).

Lorsque le prévenu n’est pas comparant, il appartient aux Juges qui souhaitent modifier la qualification retenue des faits dont ils sont saisis, de rendre une décision renvoyant l’affaire à une date ultérieure et d’inviter le prévenu à venir s’expliquer sur la requalification envisagée (Crim., 1er juin 2016, n° 14.87.173).

Le Tribunal doit rendre une décision renvoyant l’affaire à une date ultérieure et invitant le prévenu à venir s’expliquer sur la requalification envisagée (Crim., 22 février 2017, n° 16-81576).

Il existe le principe selon lequel le prévenu doit pouvoir se défendre sur la nouvelle qualification retenue.

Le principe consister à donner la parole au prévenu et à son conseil pour pouvoir s’expliquer, avant la fin des débats, sur la nouvelle qualification que le ministère public entend retenir ou que la juridiction de jugement envisage d’y substituer d’office (Crim., 16 mai 2001, n° 00-85.066).

Le Tribunal ne peut requalifier les faits en l’absence du prévenu que si ce dernier est valablement représenté par son avocat, que la prévention demeure la même et qu’il en soit contradictoirement débattu (Crim., 27 novembre 2018, n° 17-87385).

La Cour Européenne des Droits de l’Homme rappelle que les dispositions du paragraphe 3 de l’article 6 montrent la nécessité de mettre un soin particulier à notifier « l’accusation » à l’intéressé […]. En matière pénale, une information précise et complète des charges pesant contre un accusé, et donc la qualification juridique que la juridiction pourrait retenir à son encontre, est une condition essentielle de l’équité de la procédure.

Elle précise que « si les juridictions du fond disposent, lorsqu’un tel droit leur est reconnu en droit interne, de la possibilité de requalifier les faits dont elles sont régulièrement saisies, elles doivent s’assurer que les accusés ont eu l’opportunité d’exercer leurs droits de défense sur ce point d’une manière concrète et effective, en étant informés, en temps utile, de la cause de l’accusation, c’est-à-dire des faits matériels qui sont mis à leur charge et sur lesquels se fonde l’accusation, mais aussi de la qualification juridique donnée à ces faits et ce d’une manière détaillée » (CEDH, 19 décembre 2006, n° 34043/02, Mattéi c/ France).

En l’espèce, le prévenu était non-comparant lors de l’audience du 3 décembre 2020.

Le cabinet formulait simplement des observations, étant dépourvu de mandat et donc d’un pouvoir de représentation.

La relaxe était sollicitée durant la plaidoirie dans la mesure où la date de la prévention était erronée, les faits reprochés étant en réalité datés du 20 février 2020, et pas au 19 février 2020, ce qui n’avait pas été relevé durant les débats.

Par Jugement contradictoire à signifier rendu par le Tribunal Correctionnel de SAINT-BRIEUC le 3 décembre 2020, le Tribunal requalifiait les faits de :

  • Violences habituelles n’ayant pas entraîné d’incapacité supérieure à 8 jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire liée à la victime par un pacte civil de solidarité commis le 19 février 2020 à SAINT-BRIEUC reprochés au client,

EN :

  • Violences suivies d’incapacité n’excédant pas 8 jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire liée à la victime par un pacte civil de solidarité commis dans la nuit du 19 au 20 février 2020 à SAINT-BRIEUC.

Cependant, la requalification d’office ne pouvait valablement intervenir.

En effet, durant les débats, le Tribunal Correctionnel de SAINT-BRIEUC n’avait pas invité les parties à débattre contradictoirement de la modification de la prévention envisagée, évoquant dans le délibéré une « erreur matérielle » dans la date de la prévention.

Avant la fin des débats, le Tribunal n’avait pas donné la parole à Maître JOURDAIN-DEMARS afin qu’il fasse valoir ses observations sur la modification de la prévention que la juridiction envisageait d’y substituer d’office.

En tout état de cause, le Tribunal ne pouvait requalifier d’office la prévention en l’absence du client, qui n’était pas représenté (mais assisté) par son avocat, ce dernier étant dépourvu de pouvoir de représentation en l’absence de mandat ou de régularisation d’écritures (qui valent pouvoir).

Par voie de conséquence, la 11ème Chambre près la Cour d’appel de RENNES annulait purement et simplement le Jugement rendu par le Tribunal Correctionnel de SAINT-BRIEUC le 3 décembre 2020.

La Cour d’appel usait son pouvoir d’évocation et statuait sur le fond conformément aux dispositions de l’article 520 du Code de procédure pénale, ce qui permettait d’obtenir une peine aménagée ab initio en faveur du client.