Conduite sous stupéfiants en récidive : annulation totale de la procédure obtenue. La renonciation à la possibilité de demander l'examen technique ou l'expertise prévue par l'article R. 235-11 du Code de la route ne peut intervenir avant le prélèvement salivaire, même une minute avant celui-ci. - Thomas JOURDAIN-DEMARS
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Conduite sous stupéfiants en récidive : annulation totale de la procédure obtenue. La renonciation à la possibilité de demander l’examen technique ou l’expertise prévue par l’article R. 235-11 du Code de la route ne peut intervenir avant le prélèvement salivaire, même une minute avant celui-ci.

Conduite sous stupéfiants en récidive : annulation totale de la procédure obtenue. La renonciation à la possibilité de demander l’examen technique ou l’expertise prévue par l’article R. 235-11 du Code de la route ne peut intervenir avant le prélèvement salivaire, même une minute avant celui-ci.

Le 13 mars 2024, le Tribunal Correctionnel faisait droit à l’exception de nullité soulevée par le cabinet et annulation l’entière procédure relative à des poursuites contre un prévenu du chef de conduite en ayant fait usage de stupéfiants en récidive.

 

Les arguments développés par le cabinet étaient les suivants :

 

Aux termes des dispositions du cinquième alinéa de l’article L.235-2 al. 6 du Code de la route :

« Si les épreuves de dépistage se révèlent positives ou lorsque le conducteur refuse ou est dans l’impossibilité de les subir, les officiers ou agents de police judiciaire font procéder à des vérifications consistant en des analyses ou examens médicaux, cliniques et biologiques, en vue d’établir si la personne conduisait en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants. A cette fin, l’officier ou l’agent de police judiciaire peut requérir un médecin, un interne en médecine, un étudiant en médecine autorisé à exercer la médecine à titre de remplaçant ou un infirmier pour effectuer une prise de sang ».

 

Selon les deux premiers alinéas de l’article R. 235-6 du même Code :

« Le prélèvement salivaire est effectué par un officier ou agent de police judiciaire de la gendarmerie ou de la police nationales territorialement compétent à l’aide d’un nécessaire, en se conformant aux méthodes et conditions prescrites par l’arrêté prévu à l’article R. 235-4.

A la suite de ce prélèvement, l’officier ou l’agent de police judiciaire demande au conducteur s’il souhaite se réserver la possibilité de demander l’examen technique ou l’expertise prévus par l’article R. 235-11 ou la recherche de l’usage des médicaments psychoactifs prévus au même article ».

 

Il résulte ainsi de la combinaison de ces deux articles que le contrôle d’un conducteur se déroule en trois étapes :

Dans un premier temps, le conducteur est soumis à une épreuve de dépistage salivaire ou urinaire.

Dans un second temps, et lorsque le résultat du test de dépistage est positif, l’utilisation de produits stupéfiants est vérifiée par un prélèvement salivaire ou sanguin en vue de son analyse.

Dans un troisième temps, et à la suite du prélèvement, l’OPJ ou l’APJ demande au conducteur s’il souhaite se réserver la possibilité d’une contre-analyse.

 

Par un arrêt du 20 octobre 2022 (R.G. n° 22/508), la Chambre des appels correctionnels de la Cour d’appel de BENSANCON faisait droit à l’exception de nullité soulevée pour un prévenu de conduite après avoir fait usage de stupéfiants, dans une affaire où les forces de l’ordre avaient fait renoncer la personne contrôlée à son droit à l’analyse de contrôle avant même d’effectuer le prélèvement salivaire suite au test de dépistage. Il est interdit selon la Cour d’appel de BESANCON en matière pénale, où les libertés individuelles sont protégées, de faire renoncer par avance une personne à ses droits.

 

En l’espèce, les gendarmes avaient soumis le prévenu à une épreuve de dépistage salivaire.

 

Le dépistage salivaire s’avérait positif.

 

A 16h24, le formulaire par lequel le prévenu renonçait à la possibilité de demander une contre-analyse était signé.

 

Puis, à 16h25, il était procédé à un prélèvement salivaire.

 

Ainsi, le formulaire, par lequel le prévenu renonçait à la possibilité de demander une contre-analyse était signé antérieurement à la réalisation du prélèvement.

 

Pour que le prévenu ait pu valablement renoncer à ce droit, encore fallait-il que ce droit soit né (il est impossible en effet de renoncer à un droit qui n’est pas encore né).

 

Or, le Code de la route dispose très explicitement en son article R. 235-6 que la renonciation ne peut avoir lieu « qu’après le prélèvement ».

 

Cette renonciation a ainsi été effectuée prématurément en ce qu’elle a été réalisée après le dépistage mais avant le prélèvement, portant nécessairement atteinte aux intérêts du prévenu qui a été amené à renoncer à l’exercice d’un droit qui pourtant n’était pas encore né.

 

En sus, il convient de souligner qu’en dépit de la signature apposée sur le formulaire, le prévenu n’a pas été informé par les gendarmes de la possibilité de solliciter une analyse sanguine, alors même que dès la réalisation du dépistage, il affirmait n’avoir consommé que du CBD – propos qu’il a d’ailleurs réitéré à l’occasion de sa garde à vue.

 

Le Ministère Public évoquait une erreur matérielle des gendarmes.

 

La Défense rétorquait qu’une telle erreur matérielle est certes possible mais pas certaine et que, dans le doute, cela doit profiter au prévenu. Aucun autre élément ne permettait de démontrer en procédure que le prévenu a renoncé de manière éclairée à un droit qui était né.

 

Le Tribunal Correctionnel de SAINT-BRIEUC faisait droit à l’exception de nullité, annulait l’intégralité de la procédure et renvoyait le client des fins de la poursuite.