Poursuivie pour diffamation par le Département des Côtes d'Armor : nullité des citations directes - Thomas JOURDAIN-DEMARS
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Poursuivie pour diffamation par le Département des Côtes d’Armor : nullité des citations directes

Avocat au barreau de Saint Brieuc

Poursuivie pour diffamation par le Département des Côtes d’Armor : nullité des citations directes

Le 12 mars 2020, une prévenue comparaissait devant le Tribunal Correctionnel de SAINT-BRIEUC pour être jugée concernant des faits de diffamation commis sur un blog.

Les poursuites étaient exercées par citations directes délivrées par le Département des Côtes d’Armor.

Cependant, en préalable à l’examen de l’affaire, Maître JOURDAIN-DEMARS a soulevé deux exceptions de nullité au motif :

D’une part, que les citations directes délivrées ne mentionnaient pas la forme juridique du Département.

D’autre part, de l’imprécision de la citation en justice.

En effet, l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 dispose que la citation précisera et qualifiera le fait incriminé, et que cette formalité doit être observée à peine de nullité de la poursuite.

Ce n’est pas seulement la citation irrégulière qui encourt « en son entier » (Crim., 27 février 2018, n° 17-80325) la nullité, mais bien la poursuite dans son ensemble, donc tous les actes subséquents.

La jurisprudence le confirme : son « inobservation entraîne la nullité à la fois de la citation et de la poursuite elle-même » (Crim., 26 juin 1985, n° 83-91283).

La finalité dudit article est de permettre au prévenu de « préparer utilement sa défense » (Crim., 9 janvier 2007, n° 06-83042) mais également de préserver la liberté d’expression (Crim., 15 octobre 1985, n° 8591172).

La jurisprudence considère que « les formalités prescrites par l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sont substantielles aux droits de la défense et que leur inobservation entraîne la nullité sans qu’il soit nécessaire de démontrer un grief (Crim., 26 juin 1984, n° 83-91283).

Les dispositions exceptionnelles et impératives de l’article 53 de la loi précitée, qui tendent à garantir les droits de la défense et touchent à la protection de la liberté d’expression telle que la règlemente cette loi, n’ont été ni abrogée ni modifiées par l’article 802 du Code de procédure pénale, dont l’application se trouve exclue en la matière (Crim., 17 mars 1981, n° 79-94121).

L’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 énonce que la mention de la date de l’infraction poursuivie permet seule de vérifier le respecter des délais de courte prescription applicable puisque l’on sait que l’action publique et civile résultant des délits prévus par la loi précitée se prescrivent après trois mois révolus, à compter du jour où ils ont été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait.

En l’espèce, les citations signifiées imputaient à la prévenue des faits de diffamation sans faire mention de la date de l’infraction.

Les citations directes se bornaient à indiquer que les faits de diffamation allégués auraient été commis “depuis un temps non couvert par la prescription”.

Les dates des publications litigieuses n’étaient pas mentionnées alors qu’il s’agissait de la condition préalable de l’engagement des poursuites en matière de droit de la presse.

Les citations étaient incomplètes et imprécises s’agissant des faits poursuivis.

Or, le Tribunal est saisi par la citation.

Maître JOURDAIN-DEMARS soulignait que l’absence de date entraînait une incertitude sur les faits de la prévention et, dès lors, une atteinte aux droits de la Défense, constitutive d’un grief sur le fondement de l’article 802 du Code de procédure pénale.

En effet, sa cliente n’était pas en capacité d’appréhender, avant l’audience, la date des publications litigieuses, afin d’en débattre contradictoirement.

La citation a pu créer une incertitude dans l’esprit de la prévenue quant à l’étendue des faits dont elle avait à répondre.

Sans joindre l’incident au fond, le Tribunal faisait droit à l’exception de nullité et renvoyait la prévenue de toutes fins de poursuites.

Les conclusions établies par la requérante, faisant mention de la date des publications, n’ont pas permis de rectifier la procédure.

C’est l’acte initial de poursuite qui fixe irrévocablement l’objet et la nature desdites poursuites, ainsi que les points sur lesquels la prévenue aura à se défendre, y compris sur la question de la prescription.

En raison de la nullité de la citation directe, qui n’interrompt pas la prescription, les faits de la cause étaient prescrits et la prévenue ne pouvait plus être poursuivie.

Le délai de trois mois pour engager les poursuites suivant les publications était nécessairement écoulé, la procédure ayant été engagée le 28 juin 2019.